Le tombeau de Couperin


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Description

La mise à mort
Oh Manolete, cette sincérité dans la minute de vérité te coûtera la vie. Un taureau portant sur l'épaule gauche une touffe de ruban s'élance dans l'arène, la lutte a commencé. Il lui enfonce son épée dans le corps au moment où, se croyant sûr de lui, il baisse la tête pour le transpercer de ses cornes. L'homme est immobile et le taureau l'ignore. Il faut trouver sa place, ajuster la distance, lui faire oublier qu'il existe. Au commencement, il y a l'appel, ensuite viendra la charge. La querencia, un lieu privilégié où il se croit fort, un lieu qui le rassure, qui lui redonne des forces, pour mieux se faire abattre. Cette puissance dans la tête jusqu'au bout de la course, encore plus dangereux dans l'immobile, trop près du corps, rompu, mufle au sol, il reprend la charge. Un lieu où il faudra qu'il meurt. Des hommes sont venus, des portes se sont ouvertes, il court, cherchant vainement les prés de son enfance. L'épée, rentrant par l'endroit appelé la cruz, traverse la poitrine, pénètre dans les poumons et provoque l'hémorragie par la bouche et par les naseaux. Passé la feinte et l'esquive, la musique tue, arrachés l'un à l'autre, si souvent séparés, cassés, cette blessure enfouie et glacée. Qu'on apporte des chaînes, qu'on enlève ces piques, qu'on emmène ce corps et que le sable de l'arène oublie.

Nicolas Raboud